Nécessairement en recherche action participative


Nous pensons également qu'en travaillant en format recherche action participative nous serons mieux à même de saisir, collectivement, ce qui se joue dans ces interactions enfants â?? nature et d'en retirer des enseignements éducatifs. Nous nous situons ainsi dans la lignée de l'hypothèse du « tiers secteur scientifique » (Latour, 2004) qui émerge à la fois dans des laboratoires de recherche, dans des communautés citoyennes ou des programmes politiques de financement de recherches collaboratives. Les programmes PICRI en Ile de France (Partenariats Institutions Citoyens pour la Recherche et l'Innovation), ASOSc en Bretagne (Appropriation Sociale des Sciences), tous deux inspirés des ARUC québécoises (Alliances pour la Recherche Universités et Communautés) témoignent de ce mouvement social en train d'inventer de nouvelles formes de recherches où les positions respectives des scientifiques et des acteurs ne sont plus si tranchées que dans les recherches centrées sur le chercheur et ses objets (Goffin, 1998-1999).
Il y a là l'hypothèse que l'acteur apporte tout autant que le chercheur dans une recherche soulevée par une question de société. L'acteur connaît son terrain, le nomme de ses propres savoirs (qu'on les appelle savoirs profanes, vernaculaires, quotidiens, ordinaires, autochtones, expérientielsâ?¦). Immergé dans sa pratique sociale, il porte un non-dit et un insu des gestes plus riches que ce que le chercheur peut en présumer. Le chercheur, de son côté, apporte ses savoirs scientifiques, sa méthodologie, sa mise en perspective, la possibilité de la reconnaissance des résultats par ses pairs. Nous entrons ainsi dans ce qu'a si bien nommé pour nous Nadine Souchard : une recherche de « plein air » (2013). Elle la définit de la manière suivante : « partant d'un phénomène social qu'ils construiraient en problème social, ils tenteraient de proposer des réponses en conduisant des expérimentations sociales. Pour conduire ce travail collectif, ils n'inscriraient pas leur démarche en référence à des disciplines et à des normes académiques, mais solliciteraient pour des appuis méthodologiques et théoriques des chercheurs professionnels qui saisiraient l'opportunité de conduire une recherche de « plein air » qui leur permettrait non seulement de répondre à une demande sociétale, mais aussi de recueillir des données de qualité sur des questions sociales émergentes et d'engager des formes d'intervention sociologique originales. » (op.cit., p.3). »

De par les visées mêmes de l'éducation à l'environnement, souvent ancrées dans un discours socialement critique, la recherche semblerait donc trouver sa niche dans des démarches partenariales, compréhensives, constructivistes et interactionnistes. Sans doute devrons-nous en passer par ce que Christine Audoux et Anne Gillet nomment « l'épreuve de la traduction », « la traduction vue comme une série d'interactions permettant la mise en réseau d'acteurs, de connaissances, de productions, etc. (Callon, 1986, 2001 ; Latour, 1988, 1989), (â?¦ et) comme une interprétation de langage débouchant sur un sens partagé (Ricoeur, 2004) » (2011, p.3-4). Cette épreuve de la traduction se décompose elle-même en autant d'épreuves intermédiaires qui trament la progression du partenariat dans la recherche action :

« Nous posons le partenariat de recherche comme un processus de traduction, d'interactions et d'apprentissage, dans lequel les partenaires de recherche,
- établissent un énoncé problématique qui définit et relie leurs identités ;
- mettent en oeuvre une série d'actions qui traduisent leurs intérêts propres et communs dans une mise en dispositif ;
- définissent des rôles, en lien avec leurs identités et avec leurs intérêts, au sein d'une organisation singulière ;
- mobilisent des acteurs tiers dont les capacités de représentation permettent la justification du partenariat et de l'engagement des partenaires ;
- confrontent leur référentiel de savoirs pour en élaborer un autre, propre à leur système d'association.
Au cours de ce processus, le dispositif partenarial se construit au travers de plusieurs épreuves : celles de la traduction des identités, de la reconnaissance des intérêts, de la légitimité, de la capacité à mobiliser d'autres acteurs et du référentiel épistémique de chacun. L'issue de ces épreuves, vécues individuellement et socialement, trouve son développement dans le degré de co-construction des savoirs. » (Ibid., p.11)

Nous savons depuis longtemps que toute construction de système nouveau passe par des ruptures, des bouleversements, qui ne peuvent atteindre une forme que si les interactions accèdent à quelques stabilisations (Morin, 1977). Aussi serons-nos vigilants dans cette co-construction à nous interroger régulièrement sur nos avancées et nos façons de travailler ensemble. Nous serons tous des praticiens réflexifs (Schön 1994) mettant l'auto-évaluation au cœur de notre processus.